Ma rue a une histoire
#4 Allée de la thyollire
Sur la commune de Viuz-en-Sallaz, se trouve une allée portant un curieux nom… la thyollire.
Pour découvrir la signification de ce toponyme, il faut se tourner vers le patrimoine alpin et l’exploitation d’une richesses de nos sols : l’argile. Dans les Alpes, l’utilisation maitrisée de ce minéral remonte au Néolithique avec la production de poteries pour stocker de la nourriture ou la faire cuire. L’argile fut également largement utilisée dans la construction à travers l’emploi de la terre cuite introduite en Gaule par les Romains : tuiles, carreaux ou encore briques.
Le toponyme thyollire désigne en patois une fabrique de tuiles, tout comme la thiolaire ou tiolire qui provient du mot tuile, tiola. Le tuilier quant à lui se nomme le tioli. La thyollire désigne également par extension un lieu argileux.
Non loin de cette allée, sur la commune de Ville-en-Sallaz, fut découverte en 2010 une villa gallo-romaine. Cette construction était bien plus qu’une simple habitation. Véritable domaine rural, elle regroupait les habitations des propriétaires, de la main d’oeuvre ainsi que des bâtiments d’exploitation et les fabriques artisanales. La villa en question, appelée villa des Tattes, fut occupée du Ier au IIIe siècle après J.-C et s’étendait sur environ 2300 m2. Lors des fouilles réalisées par le Service Archéologique du Département de la Haute-Savoie, du mobilier a été mis au jour dont un certain nombre produit avec de l’argile : céramique, tuiles, briques.
Etant donné la superficie du domaine, une fabrique de tuile devait très certainement se situer à proximité, comme cela était souvent le cas. Cette activité artisanale a t-elle perduré au point de laisser sa trace et son nom dans la toponymie ?
La prochaine fois que vous passez à proximité de cette allée, ralentissez et imaginez les lieux il y a environ 2000 ans, les tuiliers au travail et les tuiles qui sèchent au soleil…

Fouilles de la villa des Tattes

Canalisation d’évacuation en tuiles de la villa

Fouilles de la villa

Tuile mise au jour dans la villa portant les initiales de son propriétaire
Sources :
Bessat Hubert, Germi Claudette, Les noms du patrimoine alpin, atlas toponymique II, Ellug, 2004.
Laidebeur Jocelyn, “Thermes de la villa gallo-romaine de Ville-en-Sallaz”, Le petit colporteur, numéro 23.
Thevenot-Mottet Denis, Viuz-en-Sallaz, chronique d’un village savoyard, tome 1, 2012.
Inventaire du patrimoine bâti et du petit patrimoine, PAYSALP, CC4R, 2023.
Crédits photos : PAYSALP, Département de la Haute-Savoie
Tout est histoire de toponymie
En 2023, PAYSALP est missionné par la CC4R pour réaliser un inventaire du patrimoine bâti du IXe au XVIIe siècle et du petit patrimoine (four, lavoir, greniers, croix, oratoire, etc.) du IXe au XIXe siècle sur le territoire des 4 rivières.
Ce patrimoine, très riche, est encore bien présent comme en témoignent les traces matérielles (bâti, vestiges) et immatérielles (sources orales, toponymie).
En parlant de toponymie justement, saviez-vous que ce mot prend ses racines du grec ancien : tópos « lieu » et ónoma « nom » et désigne la discipline qui étudie les toponymes ou noms de lieux (leur ancienneté, leur signification, leur étymologie, leur évolution, leur relation avec la langue actuelle ou avec des langues disparues).
« La toponymie est partout ; tout ce qui existe mérite et même nécessite d’être nommé »[1]. On retrouve les noms de lieux sur les cartes géographiques, les panneaux de localisation, les noms de rues. Ils peuvent être de toute nature : village, montagne, fleuve… La toponymie fait partie des indices laissés par les sociétés, généralement passées, sur les territoires. Elle résume l’histoire humaine d’une région. Il s’agit d’un outil indispensable d’identification, de localisation et par l’information qu’ils recèlent, une mémoire collective qu’il faut préserver et valoriser.
Adresse et adressage
Aujourd’hui, toutes les communes de la CC4R possèdent des numéros et des noms de rue, de route, de chemin ou encore d’impasse, il s’agit de l’adressage. C’est grâce à cela que nous pouvons nous repérer.
L’adressage des communes est organisé par les mairies. Il est très important que toutes les rues soient nommées et les bâtiments numérotés. Cela permet aux usagers de se localiser facilement. Pour être conforme, une commune doit respecter plusieurs réglementations. Les normes qui encadrent la mise en place de l’adressage sont en constantes évolutions.
L’adressage des communes est important pour plusieurs raisons :
- Fluidifier la circulation
- Faciliter l’intervention pour les secours
- Permettre aux usagers de se repérer plus facilement
- Faciliter le recensement et l’élaboration des listes électorales
Ne soyez donc pas étonnés de retrouver un numéro sur un chalet d’alpage inoccupé. Celui-ci n’est pas destiné au livreur de chez Chronopost, il permettra aux secours d’obtenir une localisation précise.
Avant février 2022, l’adressage pour les communes de moins de 2000 habitants était fortement conseillé, mais pas obligatoire. Il l’était en revanche pour les communes de plus de 2000 habitants. Cependant, la loi 3DS, promulguée en février 2022, oblige maintenant toutes les communes, peu importe le nombre d’habitants, à effectuer l’adressage de leurs rues. Elles doivent rendre des comptes aux centres des impôts lorsqu’il est question d’adressage des rues.
Mais comment les noms de rues sont-ils choisis ? Personnages ou faits historiques, indications géographiques, activités humaines : les noms des rues, places et autres lieux publics devant lesquels vous passez tous les jours sont divers et variés. Pourtant
rien n’est laissé au hasard : un travail de consultation et de concertation est réalisé en amont pour choisir ce qui relève de l’odonymie, l’étude des noms désignant tout type de voies de communication. Ce sont le Maire et le Conseil municipal qui ont le pouvoir de choisir
les noms des rues (cette liberté de choix est néanmoins encadrée par des usages bien établis) mais tous les habitants peuvent faire des propositions. En ce qui concerne les voies privées, c’est au(x) propriétaire(s) de proposer un nom, qui peut toutefois être interdit par le conseil municipal s’il est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
À travers cette rubrique “Ma rue a une histoire” nous vous invitons à lever les yeux sur les panneaux qui bordent nos chemins afin de découvrir l’histoire qui se cache derrière le nom des rues des communes de la CC4R.
Que la promenade commence…