Ma rue a une histoire

Ma rue a une histoire

#5 La rue, route, impasse du lavoir

#4 L'allée de la Thyollire

#3 La route du Pont du Risse

#2 Le chemin, route, vi des moulins

#1 Le chemin du Raffort

#5 Rue, route, impasse du lavoir

Sur notre territoire, quelques communes portent des noms de rue qui font référence à un petit patrimoine fort utile avant l’arrivée de l’eau dans les maisons : le lavoir.

Le lavoir rural apparaît en France au début du XIXe siècle.  Son développement dans les années 1860 découle d’une prise de conscience collective de l’importance de la salubrité publique. Auparavant, le linge se lavait au bord des rivières ou dans des bassins dont l’eau servait également à laver les aliments (légumes, viande, poisson…) et abreuver les animaux.

En Haute-Savoie, entre 1861 et 1930, les lavoirs, édifices réservés et aménagés exclusivement à la lessive, apparaissent dans presque tous les villages.

Lieu de travail mais également de sociabilité et d’échanges, le lavoir, réservé aux femmes est également appelé « le café des dames » ou encore « l’hôtel des bavardes ». 

 Armées de brosses en chiendent, savons, bacs à linges et autres battoirs, les lavandières pouvaient alors se retrouver loin des maris ou du curé. Elles pouvaient échanger confidences et potins car le linge dévoile la vie intime des gens…

 

Au hameau de Sevraz, à Viuz-en-Sallaz, se trouve l’impasse du lavoir à proximité de laquelle le lavoir est toujours présent. Construit une première fois aux environs de 1890-1895 par les gens de Sevraz,  le pourtour et les pierres à laver en granit provenaient de Combloux et furent transportés par le charretier François Thevenod. Le lavoir fut démoli et reconstruit en 1901 à l’emplacement actuel afin de le centrer au cœur du hameau.

À La Tour, au centre du village, la rue du lavoir accueille un grand lavoir couvert encadré de murs sur trois côtés qui abritaient autrefois les lavandières des intempéries. Le lavoir de forme rectangulaire accueille deux bassins qui ne sont aujourd’hui plus en eau et présente des bords inclinées qui facilitaient le lavage du linge.

Avec la généralisation de l’adduction d’eau dans les foyers, les lavoirs ont progressivement été abandonnés dans la deuxième moitié du XXe siècle. Certains ont été détruits, d’autres sont aujourd’hui abandonnés et parfois en mauvais état. Heureusement, quelques uns demeurent en place et parfois en eau pour le plus grand plaisir des passants qui trouvent, auprès de ces témoins silencieux, un moment de fraicheur à l’image du lavoir sur la vieille route à Saint-Jeoire,  du lavoir derrière l’église à Viuz-en-Sallaz ou encore des lavoirs couverts à Mijouet, Fillinges et à La Tour.

Sources :

Huysecom Robert, Les lavoirs de la région lémanique : L’histoire oubliée des lavandières du Léman, Editions Slatkine, 2007.

Inventaire du patrimoine bâti et du petit patrimoine, PAYSALP, CC4R, 2023.

Crédits photos : PAYSALP, Mémoire Alpine.

#4 Allée de la thyollire

Sur la commune de Viuz-en-Sallaz, se trouve une allée portant un curieux nom… la thyollire.

Pour découvrir la signification de ce toponyme, il faut se tourner vers le patrimoine alpin et l’exploitation d’une richesses de nos sols : l’argile. Dans les Alpes, l’utilisation maitrisée de ce minéral remonte au Néolithique avec la production de poteries pour stocker de la nourriture ou la faire cuire. L’argile fut également largement utilisée dans la construction à travers l’emploi de la terre cuite introduite en Gaule par les Romains : tuiles, carreaux ou encore briques.

Le toponyme thyollire désigne en patois une fabrique de tuiles, tout comme la thiolaire ou tiolire qui provient du mot tuile, tiola. Le tuilier quant à lui se nomme le tioli. La thyollire désigne également par extension un lieu argileux.

Non loin de cette allée, sur la commune de Ville-en-Sallaz, fut découverte en 2010 une villa gallo-romaine. Cette construction était bien plus qu’une simple habitation. Véritable domaine rural, elle regroupait les habitations des propriétaires, de la main d’oeuvre ainsi que des bâtiments d’exploitation et les fabriques artisanales. La villa en question, appelée villa des Tattes, fut occupée du Ier au IIIe siècle après J.-C et s’étendait sur environ 2300 m2. Lors des fouilles réalisées par le Service Archéologique du Département de la Haute-Savoie, du mobilier a été mis au jour dont un certain nombre produit avec de l’argile : céramique, tuiles, briques.

Etant donné la superficie du domaine, une fabrique de tuile devait très certainement se situer à proximité, comme cela était souvent le cas. Cette activité artisanale a t-elle perduré au point de laisser sa trace et son nom dans la toponymie ?

La prochaine fois que vous passez à proximité de cette allée, ralentissez et imaginez les lieux il y a environ 2000 ans, les tuiliers au travail et les tuiles qui sèchent au soleil…

Fouilles de la villa des Tattes

Canalisation d’évacuation en tuiles de la villa

Fouilles de la villa

Tuile mise au jour dans la villa portant les initiales de son propriétaire

Sources :

Bessat Hubert, Germi Claudette, Les noms du patrimoine alpin, atlas toponymique II, Ellug, 2004.

Laidebeur Jocelyn, “Thermes de la villa gallo-romaine de Ville-en-Sallaz”, Le petit colporteur, numéro 23.

Thevenot-Mottet Denis, Viuz-en-Sallaz, chronique d’un village savoyard, tome 1, 2012.

Inventaire du patrimoine bâti et du petit patrimoine, PAYSALP, CC4R, 2023.

Crédits photos : PAYSALP, Département de la Haute-Savoie

#3 route du pont de la tourne

Bien avant de devenir le nom d’une voie, ce terme désigne le pont qui enjambe le Risse à cet endroit.

Après des siècles de difficultés pour traverser le Risse, rivière tumultueuse, et des projets de voirie maintes fois mis au placard, c’est en 1908 qu’un pont en pierre se jetant sur le lit de ce cours d’eau est inauguré. Il remplace un pont situé en contrebas, le pont de Piccot. Ce hameau de Piccot est l’ancien centre économique du village d’Onnion. Au Moyen Âge, on traverse déjà la rivière à cet endroit avec un pont de bois qui est continuellement à reconstruire du fait de la fonte des neiges et des imposant orages d’été. On y trouve encore une scierie et un moulin au début du XXe siècle.  

Et c’est ce même lieu, Piccot qui est à l’origine du nom de la Tourne. En effet, les moulins de Piccot étaient alimentés par un bief, dit bévire en patois, qui prenait sa source au niveau du barrage construit sous l’actuel pont de la Tourne. La Tourne, c’est l’endroit où l’on fait littéralement « tourner l’eau » pour alimenter moulin et scierie, l’eau tourne, dévie vers le canal à la sortie du barrage.

Ce barrage est emporté en 1915, est-il reconstruit ? pas sûr, car l’on sait que le moulin est en ruine dans les années 20-25 et la scierie brûle un soir de décembre 1927.

Si vous ouvrez l’œil, vous pourrez découvrir sous le pont de la Tourne, les entailles servant d’assises aux poutres de bois du barrage, mais aussi la « Tourne » creusée à même le rocher.

Sources : Archives municipales

#2 Chemin, route et Vi des Moulins

Sur la rive du gauche du Foron (rivière) à Arpigny (Fillinges) se situaient des moulins qui étaient la propriété des Barnabites. Ces moulins étaient situés au lieu-dit les places des moulins, ils étaient les plus importants de la paroisse. Il y avait deux groupes d’artifices différents et donc deux meuniers alors qu’ils étaient distants d’environ 150 m. Ces moulins ont aujourd’hui disparu mais le nom de la rue : vi du moulin témoigne de cette activité passée.  Le mot vi fait référence à la via en latin ou voie en français.

À Fillinges, une autre route contient le nom de moulin il s’agit du chemin des moulins. Ce chemin mène aux moulins de Couvette, depuis le 19è siècle, il est tenu par la famille Dégerine. Il existait d’autres moulins à Fillinges mais toutes les voies y menant ne portent pas ce nom.

Fillinges n’est pas la seule commune du territoire des Quatre Rivières dont les noms de rue font référence à l’existence ancienne de moulins. On retrouve  à Peillonnex un chemin des moulins. À Viuz-en-Sallaz et Saint Jeoire, nous avons une route des moulins qui désigne un endroit où était situé de nombreux moulins et autres artifices tels que des martinets ou des scieries. À Mégevette, le chemin du moulin Blanc dessert un ancien moulin tandis que la routes des moulins traverse le hameau du même nom, on voit d’ailleurs encore le bief qui alimentait les moulins et scieries présentes dans le hameau.

Sources :

Le petit colporteur n°1 page 29 à 32; n° 2 page 31, article de Lucien Bajulaz.

Bulletin municipal de Fillinges.

Archives départementales, cadastre français.

Inventaire du patrimoine bâti et du petit patrimoine, PAYSALP, CC4R, 2023.

Crédit photos : Etienne Gauthier, PAYSALP

#1 Le chemin du Raffort

Direction le chemin du Raffort, petit chemin discret qui délimite les communes de Ville-en-Sallaz et La Tour et descend vers le lac du Môle.

Pourquoi ce chemin a-t-il été nommé ainsi ? La toponymie nous donne de précieuses informations concernant la signification du mot raffort. Plusieurs toponymistes confirment qu’il proviendrait du celtique ra, chaux et du bas latin furnus, four autrement dit four à chaux. De la Haute-Savoie à l’Isère, en passant par le Jura et le Lyonnais, on trouve les termes raf(f)our, raf(f)or, rafort, raffournet, refour(t) ou encore chaufour. On trouve également ces toponymes en Suisse et en Vallée d’Aoste permettant d’affirmer que la plupart des toponymes de ce type se retrouvent en domaine francoprovençal.

En Haute-Savoie, de nombreuses attestations se repartissent en Chablais, dans les massifs du Giffre, des Bornes, des Aravis, du Mont-Blanc. En patois, on trouve les mots râfò, râfor, for à çhô.

Sur le territoire des quatre rivières, deux voies portent ce toponyme : le lieu dit le Rafour traversé par la route du même nom à Mégevette et le chemin du Raffort à Ville-en-Sallaz/La Tour. Pour ce chemin, nous savons qu’un four à chaux se trouvait à proximité comme en atteste différentes sources. Ce four était en activité à la fin du XIXe siècle et en 1892, un dramatique accident s’y déroula au cours duquel le chaufournier et propriétaire du four Jean Menoud et son ouvrier François Xavier Rosay perdirent la vie. Une photographie datée des années 1910-1920 nous apprend que le four était toujours présent tandis que le cadastre français de la commune de Ville-en-Sallaz (1913) et de La Tour  (1914) atteste que le chemin s’appelait déjà chemin du Raffort, laissant supposer une existence assez ancienne pour laisser sa trace dans la toponymie. Ce four permettait de fabriquer de la chaux qui s’obtenait par la cuisson de pierres calcaires à très haute température. Cette chaux, qui pouvait être vive ou éteinte, avait diverses propriétés et était largement utilisée dans l’agriculture, la construction, la sidérurgie. Le monde paysan l’utilisait également pour conserver les aliments (œufs de ferme, charcuterie…), pour nettoyer les écuries et les maisons et entourer les bêtes mortes de chaux pour éviter la putréfaction des corps en raison de son rôle antiseptique.

Aujourd’hui, le four à chaux du chemin du Raffort a disparu mais son histoire continue de perdurer à travers les sources orales, les archives, les cadastres et la toponymie.

Sources :

[1]. Dorion Henri, La Toponymie, une science, un vocabulaire, une gestion, éditions du Septentrion, 2023.

Bessat Hubert, Germi Claudette, Les noms du patrimoine alpin, atlas toponymique II, Ellug, 2004

Archives départementales, cadastre français, P 3/9238 – Feuille n° 6, parcelles n° 837 à 1038 – 16 juin 1913

Article dans “La Croix de la Haute-Savoie”, 31 juillet 1892.

Crédits photos : PAYSALP

Tout est histoire de toponymie

En 2023, PAYSALP est missionné par la CC4R pour réaliser un inventaire du patrimoine bâti du IXe au XVIIe siècle et du petit patrimoine (four, lavoir, greniers, croix, oratoire, etc.) du IXe au XIXe siècle sur le territoire des 4 rivières.

Ce patrimoine, très riche, est encore bien présent comme en témoignent les traces matérielles (bâti, vestiges) et immatérielles (sources orales, toponymie). 

En parlant de toponymie justement, saviez-vous que ce mot prend ses racines du grec ancien : tópos « lieu » et ónoma « nom » et désigne la discipline qui étudie les toponymes ou noms de lieux (leur ancienneté, leur signification, leur étymologie, leur évolution, leur relation avec la langue actuelle ou avec des langues disparues).

« La toponymie est partout ; tout ce qui existe mérite et même nécessite d’être nommé »[1]. On retrouve les noms de lieux sur les cartes géographiques, les panneaux de localisation, les noms de rues. Ils peuvent être de toute nature : village, montagne, fleuve… La toponymie fait partie des indices laissés par les sociétés, généralement passées, sur les territoires. Elle résume l’histoire humaine d’une région. Il s’agit d’un outil indispensable d’identification, de localisation et par l’information qu’ils recèlent, une mémoire collective qu’il faut préserver et valoriser.

Adresse et adressage

Aujourd’hui, toutes les communes de la CC4R possèdent des numéros et des noms de rue, de route, de chemin ou encore d’impasse, il s’agit de l’adressage. C’est grâce à cela que nous pouvons nous repérer.

L’adressage des communes est organisé par les mairies. Il est très important que toutes les rues soient nommées et les bâtiments numérotés. Cela permet aux usagers de se localiser facilement. Pour être conforme, une commune doit respecter plusieurs réglementations. Les normes qui encadrent la mise en place de l’adressage sont en constantes évolutions.

L’adressage des communes est important pour plusieurs raisons :

  • Fluidifier la circulation
  • Faciliter l’intervention pour les secours
  • Permettre aux usagers de se repérer plus facilement
  • Faciliter le recensement et l’élaboration des listes électorales

Ne soyez donc pas étonnés de retrouver un numéro sur un chalet d’alpage inoccupé. Celui-ci n’est pas destiné au livreur de chez Chronopost, il permettra aux secours d’obtenir une localisation précise.  

Avant février 2022, l’adressage pour les communes de moins de 2000 habitants était fortement conseillé, mais pas obligatoire. Il l’était en revanche pour les communes de plus de 2000 habitants. Cependant, la loi 3DS, promulguée en février 2022, oblige maintenant toutes les communes, peu importe le nombre d’habitants, à effectuer l’adressage de leurs rues. Elles doivent rendre des comptes aux centres des impôts lorsqu’il est question d’adressage des rues.

Mais comment les noms de rues sont-ils choisis ? Personnages ou faits historiques,  indications géographiques, activités humaines : les noms des rues, places et autres lieux publics devant lesquels vous passez tous les jours sont divers et variés. Pourtant
rien n’est laissé au hasard : un travail de consultation et de concertation est réalisé en amont pour choisir ce qui relève de l’odonymie, l’étude des noms désignant tout type de voies de communication. Ce sont le Maire et le Conseil municipal qui ont le pouvoir de choisir
les noms des rues (cette liberté de choix est néanmoins encadrée par des usages bien établis) mais tous les habitants peuvent faire des propositions. En ce qui concerne les voies privées, c’est au(x) propriétaire(s) de proposer un nom, qui peut toutefois être interdit par le conseil municipal s’il est contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

À travers cette rubrique “Ma rue a une histoire” nous vous invitons à lever les yeux sur les panneaux qui bordent nos chemins afin de découvrir l’histoire qui se cache derrière le nom des rues des communes de la CC4R.

Que la promenade commence…