Germain Sommeiller : apprivoiser la montagne

Doté de notables capacités intellectuelles et d’un caractère affirmé, Germain Sommeiller a marqué de son empreinte l’histoire de son temps. Acteur majeur du percement du premier grand tunnel alpin, il a œuvré toute sa vie au service du progrès scientifique et social.

Ce circuit vous invite à découvrir le parcours exceptionnel d’un modeste Saint-Jeoirien, profondément attaché à ses racines,  devenu un ingénieur de renom et un homme politique engagé.

Les reliefs : une véritable contrainte

Au cours de mon existence, le développement des voies de communication a fait un bon de géant ! 

Dans le Royaume de Piémont-Sardaigne,  les reliefs représentaient une véritable contrainte  et menaçaient son unité même. En effet, la Savoie et le Piémont étaient séparés par les Alpes en personne !   

Percer la montagne ?

 En 1832,  un certain Joseph Médail, originaire de Bardonnèche, émet l’idée de percer la Pointe du Fréjus située à proximité du Mont Cenis. Connaissant très précisément la région, cet entrepreneur dans les travaux publics prouve, via des plans et relevés topographiques, que c’est entre Modane et Bardonnèche que les Alpes offrent le moins d’épaisseur.

L’idée de mettre au point un système révolutionnaire, permettant de percer la roche en un temps record, tout en économisant la force humaine, m’obnubilait. Et je n’étais pas le seul ! Pour creuser un tel ouvrage, j’étais convaincu de la pertinence de faire fonctionner la perforatrice, non pas à la vapeur, mais à l’air comprimé en utilisant la force de l’eau.  Travail et  persévérance finiront par payer. Les premiers essais se montrent prometteurs. Encore fallait-il convaincre…

De mon vivant, un projet de percement d’une telle ampleur est inédit et, il faut bien l’avouer, complètement fou !  L’expérience en matière de percement de la roche était quasi inexistante. Il ne s’agissait pas de percer un tunnel de 40 mètres comme celui créé entre Saint-Jeoire et Onnion ; la route reliant ces deux villages se situe sur votre gauche. Elle a été réalisée en 1860  à la demande de Napoléon III qui souhaitait que son Empire soit relié par des routes carrossables, c’est-à-dire accessibles aux carrosses.

Dans le cas présent, l’objectif était bien plus considérable puisqu’il fallait percer la roche sur une douzaine de kilomètres ! Aussi, il paraissait inenvisageable d’utiliser uniquement des pioches et des barres à mine. Plusieurs scientifiques ont travaillé jour et nuit pour tenter de mettre au point LA machine répondant au mieux aux contraintes techniques et humaines. Soyons honnête, ma perforatrice n’aurait jamais vu le jour sans les inventions de mes prédécesseurs. Avec mes amis Severino Grattoni et Sebastiano Grandis, nous avons méticuleusement étudier les avantages et inconvénients des  prototypes déjà réalisés.

Convaincre !

C’est en qualité d’ingénieur et de député que j’ai l’honneur et la responsabilité de présenter mon projet le 17 mai 1854. Ce dernier a fait l’objet de débats passionnés. Fort heureusement, j’ai pu compter sur le soutien inconditionnel de Cavour, le chef du gouvernement du Royaume de Piémont-Sardaigne.

Après de longs mois de travail, la loi autorisant le percement du tunnel entre Modane et Bardonnèche est enfin promulguée le 15 août 1857. Le 31 août, les travaux sont inaugurés par le roi Victor Emmanuel II. Une entreprise gigantesque m’attendait. Je ne pouvais échouer….

En novembre 1857, à peine trois mois après le début des travaux, je perds malheureusement mon siège de député au profit d’Ange Alexis de la Fléchère. Sa famille était propriétaire du magnifique château de Beauregard situé devant vous. 

Béné Georges, Regards sur le vieux Saint-Jeoire des origines à 1900 in Saint-Jeoire en Faucigny de son origine à nos jours, ville de Saint-Jeoire, 2001.

Duluc Albert, Le Mont Cenis, sa route, son tunnel, éditions Hermann, 1952.

Saint-Denis Guy, L’axe transalpin Mont Cenis Fréjus dans la seconde moitié du XIXème siècle, CRDP, n°17, 1975.