Un peu de culture, ça fait du bien :
"La chapelle dU turchon de saint-jeoire"
« Laissez les petits enfants, et ne les empêchez pas de venir à moi ; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. »
Qui n’est pas déjà passé devant cette petite chapelle qui borde la route, allant de Saint-Jeoire à Onnion ? Elle fait partie intégrante du paysage !
Elle voit défiler bon nombre de personnes. À plusieurs reprises son histoire a été contée. Celle-ci est fondée par Madame de Mouxy, marquise de Saint-Maurice, baronne de Saint-Jeoire le 11 septembre 1659[1], suite à l’effondrement d’une partie de la montagne d’Ambion. Elle fît le vœu public de construire une chapelle en l’honneur de la Sainte Vierge, alors la coulée se stoppât.
Mais ce que l’on sait moins, c’est que cette chapelle est également un sanctuaire à répit.
Autrefois, la hantise des parents était de perdre un enfant non baptisé, celui-ci se retrouvait alors coincé dans les limbes, un endroit qui n’est ni le Paradis, ni l’Enfer, sorte de « no man’s land ». L’enfant qui vient au monde n’est pas entaché de péchés, mais il porte néanmoins le poids du péché originel transmis par ses parents.
Il est alors impensable que ce petit être meurt sans être baptisé, car il serait condamné à errer dans cet espace pour l’éternité. Plus terrible encore, il ne pourrait être enterré avec le restant de la communauté, le petit corps serait inhumé dans un coin quelconque ou encore dans le cimetière des réprouvés. Pour éviter un tel drame, le désespoir fait alors preuve d’imagination.
Un baptême d’urgence est pratiqué par un proche, le père, grand-père ou encore l’accoucheuse.
« Le 27 may 1672 a esté baptisé en la maison crainte de mort par Claude Michond Dard marie fille de Claudy Michond Dard et de la Clauda Perret mariés, le parrain a esté Noël Michond Dard et la marraine Jacquemine Perret ainsi est »[2]


Une pratique encore plus empirique consistait à pratiquer un baptême « in utero » grâce à une seringue initialement utilisée pour les lavements ; détournée de son utilisation première, elle permet une aspersion de l’enfant.
Mais malgré ces subterfuges, il arrive que l’enfant échappe au baptême, alors en dernier recours il reste les sanctuaires à répit ou à régénération. Par l’intercession de la Vierge ou d’un saint, on demande que le mort-né « reprenne » vie le temps d’un instant afin de pratiquer, en toute hâte, un baptême salutaire.
Saint François de Sales, à Thonon, a également ramené à la vie l’enfant mort d’une femme convertie au calvinisme. Cette mère l’implorant et promettant de revenir au catholicisme, il le fit revenir d’entre les morts. L’enfant vécu le temps nécessaire pour être baptisé, la femme revint alors au catholicisme[3].
Les proches vont alors veiller ce petit être durant des heures dans l’espoir de déceler une bribe de vie, un mouvement de cil, de bras, une larme ou encore de la sueur. Il y a fort à penser qu’un mouvement de muscle ou autre soit possible une fois la raideur cadavérique terminée.
« Il n’est peut-être pas d’habitants de Saint Jeoire et des lieux circonvoisins qui n’aient entendu raconter que, bien souvent, des enfants morts sans baptême étaient portés devant la Vierge du Turchon, et là donnaient des signes certains de vie, et pouvaient recevoir le sacrement de la régénération. Quelques-uns mourraient immédiatement après, d’autres continuaient à vivre. Il en fut même qui donnèrent ces marques de vie à la maison, après avoir été munis du signe de la croix fait sur eux même avec une pièce d’argent qui devait être la rétribution d’une messe au Turchon.[4] »
Il faut attendre avril 2007 pour que le Vatican reconnaisse officiellement que les limbes n’existent pas et qu’un enfant mort sans avoir été baptisé monte directement au Paradis.