Métier du mois : Le menuisier
« Le menuisier participe à notre arrivée et assiste au départ de ce monde » Albert Zilevou
Autrefois, pour chaque étape de la vie, le menuisier n’était jamais très loin, bon nombre de choses étaient fabriquées de façon artisanale.
Le berceau pour la naissance, la charpente, les portes et fenêtres de la maison, le lit pour dormir et enfin… « la ch’misa d’boué ».
On ne trouvait que très rarement des artisans exclusivement menuisiers, il s’agissait fréquemment de double actif menuisier/paysan, l’hiver étant la saison morte, elle laissait le temps au temps et permettait de fabriquer toutes sortes de choses.
L’image touristique de la montagne donne aux fermes ou plus largement à la construction bois des allures de cabanes mastoc, faites de grosses sections de bois, de balcons massifs et imposants, mais il n’en est rien. Si, en effet, les structures restaient rustiques et conséquentes et ce pour résister à l’injure du temps, le menuisier avait le souci du détail et de la finesse, il suffit de regarder les « palines » des balcons, finement ciselées, les aérations, élégamment découpées, dans les mantelages (bardage), les outils eux-mêmes étaient parfois travaillés et estampillés.
Les outils du menuisier restèrent quasiment identiques durant des siècles. Il faut attendre le début du 20ème siècle pour voir apparaitre les premières machines à bois qui remplaceront progressivement les outils ancestraux, les machines fonctionnant à l’électricité ou actionnées par des courroies entrainées par un moteur.
Ci-dessous, une machine combinée : dégauchisseuse (établissements de surfaces de références), raboteuse (permet le calibrage des pièces) et mortaiseuse à mèche (femelle de l’emboitement, tenon/mortaiseuse).
Petite Anecdote
Cette machine combinée « Des établissements de constructions mécaniques de DIEPPE » a été acquise dans les années 1920-25, elle représentait, alors un véritable investissement mais aussi une révolution technique pour le menuisier, elle était de fait un bien précieux.
Le propriétaire avait caché ses économies à l’intérieur du châssis, mais l’âge venant ou par oubli, le portefeuille resta dissimulé pendant des années et le propriétaire entre-temps mourut.
N’ayant révélé à personne sa cachette, cet argent ne fut retrouvé que bien des années plus tard, mais malheureusement les billets n’avaient, depuis longtemps, plus court et n’eurent alors de valeur que pour les collectionneurs.
Le banc d'Âne
Parmi les outils du « chapoué », il existe tout un bestiaire, du pélican (système de serrage) en passant par la sauterelle (fausse équerre). Il en est un qui porte un nom étrange et qui semble venir tout droit du Moyen Âge, il était probablement d’ailleurs déjà utilisé à cette époque, il s’agit de l’âne ou le banc d’âne. L’étymologie de ce nom est, d’ailleurs, sujet à controverse et aujourd’hui encore, laisse libre court à toutes les interprétations. L’encyclopédie Diderot et d’Alembert en 1751-1780 le nomme « Âne ».
Dans le manuel du menuisier en meubles et en bâtiments-1827 : L’Âne est une espèce d’étau d’un usage très commode quand on veut chantourner (découper des formes arrondies) des planches minces.
Le modèle que l’on peut découvrir au Musée PAYSAN à Viuz-en-Sallaz est plus archaïque, il permet une bonne tenue de la pièce que l’on travaille, il est muni d’un levier que l’on maintient en appuyant avec les pieds sur la partie entre les pattes du banc.
Et aujourd'hui...
Les métiers du bois se sont considérablement mécanisés et les artisans d’aujourd’hui s’apparentent plus à des machinistes, voire à des informaticiens dans le cas de l’utilisation des commandes numériques.
Il y a néanmoins, au milieu de toute cette mécanisation, un élément de savoir-faire qui n’est encore pas dicté par les machines-outils et qui reste impalpable, c’est l’éducation des sens, regarder « le gauche », vérifier la planéité, la rectitude des surfaces, la sensibilité du détail, l’intelligence du geste.
Toutes ces choses qui se transmettent et qui s’acquièrent avec le temps et l’expérience. Elles font appel aux 5 sens, ce qui peut paraitre surprenant, reconnaître du fayard (hêtre) grâce à son odeur lors du rabotage, le son du bois que l’on usine à contre-file etc. des éléments qu’aucun manuel ne peut (heureusement) transmettre…