Zoom archéo : Les stalles du prieuré

Zoom archéo : les stalles du prieuré

Les stalles du prieuré de Peillonnex

En 2019-2020 la mairie de Peillonnex entreprend la restauration du mobilier situé au sein du prieuré. Grâce à l’intervention d’une équipe de menuiserie spécialisée dans les mobiliers de monuments historiques, les deux stalles en bois, situées de part et d’autre de la nef devant le chœur baroque, ont pu être restaurées.

Ces stalles, datées de la Renaissance, sont composées de dix sièges et mesurent dans leur ensemble 2,8 mètres de hauteur et 3,65 mètres en longueur. Plusieurs gravures et sculptures ont été faites sur ces boiseries, typiques de la Renaissance, en pleine période de réforme protestante et de contre-réforme catholique, influençant grandement les styles architecturaux du mobilier liturgique selon les périodes d’occupations.

Les stalles, fonctions religieuses et décors fantastiques

Avec la multiplication des offices ainsi que leur durée, il apparaît rapidement nécessaire que les moines puissent se reposer sur un siège. Les stalles sont des sièges en bois qui forment un seul et même ensemble. Ces sièges sont liés les uns aux autres et alignés le long des murs, surmontés d’un haut dossier. Deux groupes sont ainsi formés, l’un en face de l’autre afin de suivre et célébrer les différents offices liturgiques de la journée.

Chaque chanoine possède sa place au sein des stalles et n’en change généralement pas. Les sièges sont séparés entre eux par des parecloses, sorte de montant en bois, surmontées par des accoudoirs et affublés de têtes fantaisistes faisant office d’appuie-main. On distingue très clairement une stalle, plus richement ornée que les autres, généralement réservée au doyen du Chapitre. 

À l’inverse de l’église des Saints Augustins de Mortemart (87), les stalles du prieuré de Peillonnex sont beaucoup moins nombreuses, une dizaine au lieu d’une trentaine. Néanmoins, on retrouve le système du siège dit « caché » appelé miséricorde. En effet, la plupart des offices devaient s’effectuer debout, et pour soulager cette posture, les chanoines pouvaient relever le siège, dévoilant alors une deuxième console, ce qui laissait croire, en s’appuyant dessus, à une posture droite.  

Malgré leur usage au début purement utilitaire, elles deviennent pendant la Renaissance, sculptées et décorées avec une attention particulière. Si certaines stalles gardent un décor « sérieux », il n’est pas rare de voir sur les jouées (plaques ornementées sur chaque extrémité des stalles), à l’image de celles de Prieuré de Peillonnex, des panneaux qui s’éloignent de l’iconographie chrétienne. On peut alors voir apparaitre des dragons, des décors végétaux, des bestiaires, des personnages fantaisistes etc.  

Aujourd’hui on pourrait être surpris de voir ce genre de gravures dans une église, mais il faut rappeler que ces décors n’étaient visibles que par les chanoines. Lors des offices, les stalles étaient séparées du peuple par une barrière. Ces sculptures sont en quelque sorte une bande dessinée de la Bible, elle représente en images les textes saints, rappelant ainsi aux chanoines les péchés et les vertus.

Ces représentations rappellent également celles du chœur baroque de l’église, en réponse au protestantisme lors de l’invasion bernoise de 1536. En effet, le style baroque admet la représentation des Saints dans la décoration des églises avec des éléments de la nature, riche de détails, ce qui n’est pas le cas pour la religion protestante.

Le prieuré de Peillonnex, une enclave sur les terres du Faucigny

Le prieuré de Peillonnex est loin de nous avoir livré tous ses secrets. Malgré le travail des historiens et des archéologues lors des campagnes archéologiques de 1998-1999, beaucoup de mystères restent encore sans réponse.

Néanmoins, nous savons aujourd’hui que le prieuré aurait été fondé au Xe siècle par l’évêque de Genève. Au XIIe siècle, il devient la propriété des chanoines réguliers de saint Augustin, petite communauté qui possède sa propre règle de vie, dépendante de l’abbaye d’Abondance.

Prospère tout au long du Moyen Âge, le prieuré subit des pillages par l’armée bernoise lors des diverses invasions protestantes sur le territoire en 1536 et 1589. Ce territoire faisait partie de ce que l’on appelait le mandement de Thy. C’était un territoire enclavé dans le Faucigny dirigé par l’évêque de Genève dès 1191. Mais par sa position géographique éloignée de la cité genevoise, le mandement est définitivement perdu en 1539 et restera entre les mains de l’évêque d’Annecy.

Au XVIIe siècle, c’est avec la venue de Saint François de Sales que des restaurations sont entreprises dans le prieuré, notamment concernant les bâtiments conventuels, où logeaient les chanoines. Mais au moment de la Révolution française, le prieuré est vendu comme bien national et subit alors un démantèlement par les habitants du village.

Aujourd’hui le prieuré de Peillonnex est propriété communale et propriété privée. Il se visite grâce à notre association PAYSALP uniquement sur réservation et lors d’événements occasionnels.

« Carte postale représentant une vue intérieure de l’église de Peillonnex, aujourd’hui devenue l’église Notre-Dame-de-l ‘Assomption. Au premier plan, on remarque la chaire contre le mur. De chaque côté, un chemin de croix et des stalles. Une table de communion sépare le chœur des fidèles. En arrière-plan, le fond de chœur baroque, avec ses colonnes torses, ses angelots et ses formes courbées. » Découvrez notre base de données patrimoniale Mémoire Alpine.

Sources :

  • Mandements de Jussy, Peney et Thy, Sites et Monuments XIIIe-XIXe siècles, archives d’État de Genève /Paysalp Écomusée de Savoie
  • Le prieuré de Peillonnex en Faucigny, François Mugnier, 1884.
  • Peillonnex Prieuré (Haute-Savoie) site n°74 209 002 DFS de fouille programmée septembre-octobre 1999, Sylvie Bocquet.
  • Peillonnex, le prieuré, la paroisse, la commune, mémoires et documents de l’Académie Salésienne par Abbé A. Gavard, tome 24, Annecy 1920